Nonfilm

Le premier moyen métrage de Quentin Dupieux où il aborde déjà tous les thèmes qui vont le tarauder toute sa carrière : où commence le cinéma ? Quand s’arrête-t-il ? Notre existence n’est-elle pas un énorme film où on peut à la fois créer ce qu’on veut, mais dans lequel on est aussi prisonnier d’un scénario déjà écrit ? C’est d’ailleurs exactement ce que raconte la deuxième partie de no-film lorsque le tournage continue, mais sans caméra. Le filmage très très proche des acteurs/actrices ajoutent au sentiment d’étrangéité du film. Des débuts plus que prometteurs.
Steak

Le film à sa sortie a été l’objet d’une terrible méprise de ses distributeurs qui n’ont pas dû comprendre le film et l’ont vendu comme une nouvelle grosse comédie d’Eric & Ramzy, une sorte de Double Zéro 2, chose qu’il n’est pas. Du coup, il s’est fait descendre comme jamais. Injustement, car c’est une excellente comédie surréaliste et expérimentale. Dupieux prolonge son clip (analog worns attack) et crée un vrai univers cohérent où des quadras vont encore dans une université à l’Américaine et forment des gangs retro-ringard (j’adore la représentation fantasmée des USA par Dupieux). Une fois entré dans ce monde, c’est vraiment du petit lait (c’est le cas de le dire) : la réalisation est ciselée et top, le film fait vraiment corps avec la bande son (il est une représentation en film des chansons déstructurées et patraques, mais diablement funky que Dupieux sort sous le nom de Mr Oizo) tandis que l’humour du duo se retrouve concassé dans ce monde fantaisiste et en ressort plus fort, plus drôle. S’ajoutent à cela de magnifiques scènes décalées (la leçon de piano, la mère qui engueule sa fille qui vient de se faire kidnapper ou le best-of internement des VHS) et on obtient un amour de film et clairement un des plus réussis de Dupieux, voire peut-être son meilleur, en tout cas, clairement mon préféré.
Rubbers

Pour son deuxième film, après l’échec de Steak, on dirait que Dupieux s’est radicalisé en proposant un métrage plus extrême, plus fou et moins mainstream que le premier. Cela commence très fort avec le monologue du flic qui sort du coffre et qui s’adresse à la caméra (peut-être même la meilleure scène du film) pour expliquer le concept de « no reason ». Pas de raison, pas d’explication, ce sera le mantra du film, et aussi ses limites. Car du coup, Dupieux semble se donner le droit de faire bien n'importe quoi, d'aller à fond dans le non-sens, mais cela donne parfois l’impression de ne pas toujours être maitrisé, comme lorsqu’on regarde une troupe d'improvisation et ses inévitables moments de flottements et certaines scènes ne fonctionnent pas. De même que je trouve que le film passe à côté de son sujet, celui d'un pneu serial killer, car à part quelques idées géniales (le pneu qui regarde une course de formule 1), j'ai trouvé que c’était les séquences les moins convaincantes, je me suis limite ennuyée. Heureusement, Stephen Spinella dans le rôle du flic est très bon personnage et toute la partie avec les spectateurs dans le désert (qu’il faut tuer, tavu le côté méta) sont savoureuses. Dupieux y continue son travail de réflexion sur le cinéma commencé dans son moyen métrage non-film et qui sera le fil rouge de tout son œuvre.
Bref, malgré une idée de base terrible, Rubber ne convainc pas totalement, mais comporte néanmoins un vent de folie très salutaire.
Dernier point, c'est Roxane Mesquida, la Severine de Now Apocalype qui joue le rôle de Sheila et elle était déjà hyper sexy charismatique.
Wrong

Le film le plus lynchien de la filmographie où on aurait remplacé la découverte d’une oreille tranchée dans un champ par un chien kidnappé. En effet, Wrong n’est qu’une succession de scènes étranges et décalées, avec des dialogues abscons ou qui dérapent très vite dans le non-sens. Plus que jamais, on s’approche de la structure du rêve. Par contre, malgré de bons moments ou des personnages marquant (le détective pour chien), la mécanique va parfois trop loin dans le délire (la pluie qui tombe dans le bureau), mais surtout elle tourne à vide. A part un sentiment de perte de repère, le film ne génère aucun sentiment, à part un léger ennui qui pointe son nez.
Film froid et peu sympathique, voire détestable par moment (toutes les scènes avec Emma et Victor), on sort de Wrong avec le sentiment d’avoir un peu perdu son temps.
Wrong Cops

Celui-là, je l’adore. De par sa structure en forme de mini-sketch, sans vraie histoire de fond et ses personnages hauts en couleur, je le vois comme l’équivalent d’un bon album électro jouissif et crétin, le genre que je prends plaisir à re-écouter régulièrement. Pour un avis plus détaillé, j’en avais déjà parlé sur le forum ici .
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Réalité.

Et pourtant, il y a Alain Chabat et Elodie Bouchez, mais ce coup-ci, cela ne marche pas. Quentin Dupieux joue trop au malin et son mélange de film dans le film du film, rêves et mises en abyme ne fonctionne pas, donnant même le sentiment d’une supercherie, du moins de beaucoup de facilité. De plus, même si le film dure moins qu’une heure et trente minutes, il manque sincèrement de rythme et se traîne. Il aurait surement même mieux valu supprimer toutes les parties sur le présentateur qui se gratte ou celles avec Eric Wareheim, totalement inutiles.
Note 3/10.
Au Poste

Le film le plus Monty Pythonnesque. J’ai l’impression que Dupieux a compris les erreurs de Réalité et n’essaie plus de « gonfler » son film pour qu’il atteigne les 90 minutes. Au Poste dure 1h10 et c’est très bien. Le film fait donc penser au Monty Python dès l’introduction avec ce mec en slip qui joue les chefs d’orchestre avant l’intervention des policiers. Ensuite, on peut le voir comme un sketch d’une heure qui part d’une idée simple (une déposition de police) pour partir dans moults délires et dialogues surréalistes, le tout sans (quasiment) quitté le commissariat. Et si comme toujours, parfois, cela va trop loin (perso, je ne suis pas fan des interventions de Philippe et de sa femme dans les flashbacks), j’ai bien aimé les petits trucs décalés (la contamination du « c’est pour ça », les flashbacks interactifs) ainsi que sa bizarrerie assumée (l’œil flouté de Philippe). L’hommage (volontaire ?) avec les Monty Pythons qui ont toujours détesté terminer un sketch par la classique chute, resonne un dernière fois lors de la dernière partie avec la pièce de théâtre.
Au Poste qui instaure un nouveau cycle pour Dupieux, celui des films courts en français qui partent d’une idée de base complétement débile pour broder autour, est un film inventif, divertissant et porté par un très bon Poolvoerde.
Le Daim

L’opposé du film précédent car on passe d’un huis clos à de grands espaces et là où la folie était généralisée et contagieuse, elle est ici plus personnelle et intériorisée. Le Daim est aussi un très intéressant autoportrait de Quentin Dupieux. Pour plus de détails, se référer à ce que j’avais écrit ici.
viewtopic.php?f=7&t=11&p=2141&hilit=daim#p2141
A part ça, il faut noter qu’avec ce film, Dupieux donne pour la première fois un rôle principal à une femme, la formidable Adèle Haenel (je ne compte pas Sheila de Rubber, plus un fantasme qu’un personnage). Après sept films, il était plus que temps.